Mathilde et Joris, créateurs de l’Atelier du Mochi à Aix-en-Provence

Mathilde Bouvier et son compagnon Joris Brun, font partie de ces jeunes actifs qui ont fait le choix d’entreprendre pour donner du sens à leur vie professionnelle et à leur vie tout court. À moins de 30 ans, en pleine pandémie, ils ont fait le pari d’ouvrir l’Atelier du Mochi, une boutique dédiée à la pâtisserie japonaise - (Tiphaine Beausseron)

Mathilde Bouvier  ©TiphaineBeausseron

Mathilde Bouvier ©Tiphaine Beausseron


Tous deux couvaient déjà une envie d’entreprendre depuis un moment. Encore fallait-il trouver le bon projet et le bon moment.

Le bon projet - celui qui pouvait les souder tout en les faisant vibrer - germe dans la tête de Mathilde au cours d’un voyage au Japon, en 2012. Le jeune couple, amateurs de voyages en terre étrangère, s’initient à la fabrication de cette pâtisserie nippone traditionnelle à l’occasion d’un atelier découverte pour touristes près de Kyoto. «Ce fut une révélation » se souvient Mathilde qui depuis l’enfance se passionne pour les jolies pâtisseries. Avec les mochis, cette adepte de cheesecakes, cupcakes et macarons, habituée aux techniques pâtissières occidentales et qui sait manier ustensiles et dosages précis, découvre le pétrissage et le modelage de la pâte de riz gluant. Une dimension bien plus manuelle, où l’esprit et la main font corps dans la recherche de la forme et de la texture parfaite, alliant rondeur et douceur, finesse et délicatesse.

La jeune lyonnaise est si touchée par cette découverte, qu’à son retour en France, elle cherche une formation…sans succès. Elle contacte alors le maître pâtissier animateur de l’atelier découverte de Kyoto. Propriétaire d’une pâtisserie familiale, le maître (« Sensei » en japonais) refuse tout net.

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«Ce fut un non catégorique. Mais, j'ai insisté pendant des mois via Whattsapp, en lui parlant de moi et de ma volonté d’apprendre» raconte Mathilde. Une persévérance récompensée quelques mois plus tard, quand Senseï lui propose d’intégrer une formation exceptionnelle qu’il organise pour un membre de sa famille destiné à reprendre l’affaire familiale. «Une opportunité unique que j’ai saisie sans hésiter» poursuit la jeune-femme qui n’a alors pas encore 20 ans. 

Formation en immersion

C’est ainsi qu’au cours de l’été 2013, Mathilde part se former à la fabrication de mochis, tout en étant logée chez l’habitant en échange d’une participation au travail de la pâtisserie et de la maison. Une expérience inoubliable, mais particulièrement éprouvante et déstabilisante au début. «Je ne parlais pas japonais, Senseï et sa famille ne parlaient ni français, ni anglais et les différences culturelles étaient énormes » souligne Mathilde. 

Au cours du premier mois, le recours à un traducteur s’est avéré nécessaire et onéreux mais insuffisant pour instaurer une relation de confiance entre le professeur et la jeune occidentale. Mathilde reconnaît avoir douté plus d’une fois quant au bien-fondé de sa démarche au cours des premières semaines. «Au bout d’un mois je n’avais fait qu’observer et j’avais l’impression de ne rien avoir appris. Avec le recul, je pense que cette période a servi de test, car l’apprentissage a réellement débuté à partir du deuxième mois » poursuit celle qui restera 3 mois chez son maître de stage. 

À son retour, Mathilde poursuit son BTS en communication. Même si elle avait appris les techniques et secrets de fabrication des mochis, elle n’était pas encore prête à en faire une profession. Elle se concentre alors sur ses études en alternance puis sur un poste mêlant communication et marketing au sein du Groupe Barrière. 

Elle ne le savait pas encore, mais la graine de l’entrepreneuriat et l’idée d’une pâtisserie japonaise avaient pris racine.

Claque et déclic

C’est la disparition prématurée du père de Mathilde, en 2018, qui va le lui révéler. Pour la jeune femme, le deuil aura l’effet d’une bombe intérieure. «Je me suis rendu compte que je n’étais pas épanouie dans mon travail. Je m’investissais corps et âme à 200% sans obtenir de reconnaissance et pour un salaire qui stagnait au Smic. Mon père m’avait toujours soutenue dans mes rêves et projets. J’ai eu un déclic et j’ai réalisé qu’au fond de moi, j’avais besoin de faire un métier qui me passionne, quitte à prendre des risques » raconte-t-elle. 


Avec son compagnon, Joris, lui-même animé d’un fort esprit entrepreneurial, ils décident d’ouvrir une boutique dédiée aux mochis. Résidant déjà tous deux en Provence pour leur travail respectif, ils font une étude de marché locale et découvrent qu’Aix-en-Provence constitue un emplacement prometteur. «La ville est suffisamment grande, dynamique, touristique et cosmopolite » pour accueillir une boutique dédiée à la pâtisserie japonaise » confie Mathilde.

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Après plusieurs mois consacrés à peaufiner leur business plan et à chercher un emplacement, c’est au 10 rue Boulegon en plein centre d’Aix que l’Atelier du Mochi élit domicile, après obtention d’un crédit bancaire.

«On a signé le bail fin janvier 2020, début mars on entamait des travaux, mi-mars on était confinés. Une tuile, qui nous a assommés de charges sans possibilité de compenser avec des ventes et qui a décalé l’ouverture de plusieurs mois» relate Mathilde qui regrette de ne pas avoir reçu le soutien de sa banque ou de son bailleur.

©Atelier du mochi

©Atelier du mochi

«Il y a un grand décalage entre les aides à la création d’entreprise et la réalité. Dans notre cas, nous devons payer toutes nos charges comme s’il n’y avait pas de crise» admet la gérante qui avoue que le second confinement a été bien plus périlleux que le premier.

Mochi, daifuku et dorayaki

Mais les concepteurs de l’Atelier du Mochi ont l’énergie de la jeunesse, la fougue des créateurs, et l’optimiste salvateur des débutants.

Ouvert au public en août 2020, le labo-boutique tient encore le coup en ce début 2021. À la carte, une gamme de daifukus (mochis à température ambiante) et de mochis glacés, fabriqués chaque jour par Mathilde selon la méthode transmise par Sensei, avec des recettes et saveurs revisitées pour flatter le palais d’une clientèle majoritairement européenne. Hors temps de covid, les douceurs sont à consommer sur place ou à emporter, avec possibilité d’assortir la dégustation d’un thé nature ou parfumé.

Six mois après l’ouverture, malgré une crise sanitaire qui s’éternise, un bailleur qui refuse de baisser son loyer, un banquier opposé aux reports d’échéances, et un minimum de 70 pâtisseries vendues par jour pour couvrir les charges, les jeunes entrepreneurs ne regrettent pas leur choix et gardent la foi dans leur concept et dans l’avenir «Nous avons la chance de pouvoir faire de la vente à emporter et nous allons bientôt élargir notre offre en proposant des dorayakis*» optimiste Mathilde. Avis à tous les gourmets amateurs de saveurs nippones ! 


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Pêle-Mêle des inspirations de Mathilde

Un livre ou un film qui vous a marquée ? Les délices de Tokyo de Durian Sukegawa

Un conseil qui vous a inspirée et qui vous guide ? Celui donné par Sensei lors de mon apprentissage : “Demande à ton esprit de rester bien concentré sur ce que tu fais, canalise ton énergie»

La chanson qui vous donne la pêche ? Tous les tubes de Diana Ross

Votre boutique préférée à Aix ? La Maison Française

Votre endroit préféré pour boire un verre ? La librairie de l’Hôtel Boyer d’Eguilles

Un endroit pour séjourner en Provence ? L’Hôtel et Spa du Castellet

Votre appli indispensable ? Instagram

Le compte instagram qui vous inspire ? @crimebydesign

Votre série du moment ? La Chronique des Bridgerton sur Netflix


Daifukus au thé Matcha ©Atelier du Mochi

Daifukus au thé Matcha ©Atelier du Mochi


*Mochi : dans le langage commun, pâtiserie japonaise formée d’un opercule de pâte de riz gluant fourré le plus souvent à la pâte de haricot rouge // Daifuku : mochi à température ambiante par oppostion au mochi glacé // dorayaki : pancake japonais souvent fourré à la pâte de haricots rouge.



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