Le grand bain à Gréoux-les-Bains
Gréoux-les-Bains est la troisième station thermale de France. Cette commune de 4000 âmes reçoit 30 000 curistes par an, sans concession sur son esprit de village à la fois alpin et méridional. À l’ombre des Alpes, au bord du Verdon, on respire la Provence à chaque coin de rue - François Pont
Il y a encore cinq ans, on m’aurait dit que je ferais une cure thermale, je ne l’aurais pas cru. Ce type d’expérience, dans mon imaginaire, était réservé à ceux que l’âge avait remis en disponibilité de toutes obligations professionnelles. Pour ma part, plus j’avais le sentiment de m’approcher de la retraite, plus je la sentais s’éloigner. Au rythme des projets de réformes, je serai poussière depuis une décennie sans même avoir atteint l’ombre d’une décote à taux plein. L’usure du corps se faisait pourtant, dans un ordre inversé, chaque année plus précoce. L’appel du grand bain devenait pressant.
À bout de souffle
C’est donc encore en activité que je vais vous conter ma rencontre fortuite avec le thermalisme. Une histoire d’eaux qui allait me rendre le souffle dans un lieu aussi provençal que providentiel : Gréoux-les-Bains. La première fois, il y a quatre ans, juste avant la crise sanitaire, je plongeais, les naseaux en premier, dans ces eaux miraculeuses qui doivent plus au souffre qu’à la lavande. Je dois reconnaître avoir été sensibilisé dès mon plus jeune âge aux bienfaits supposés des eaux puisées dans les profondeurs de la terre. Je me souviens de l’odeur d’œuf pourri qui coulait des robinets de Vichy et de ce farniente désœuvré des curistes d’Aix-les-Bains. Des stations prisées par mes grands-parents. Avec Noël, le jour de l’An, les vacances d’été, les cures thermales étaient un marronnier annuel où je me rendais parfois pour réviser mes tables de multiplication sous la supervision de papy, ancien professeur de mathématiques.
Donc déjà, à la base, j’avais une expérience plutôt défavorable sur ce type de séjour partagé entre les 8X7 et l’odeur d’œufs pourris. Cette pourtant douce transhumance, une ou deux fois l’an, transportait mes grands-parents, d’une source à l’autre, toujours dans de beaux endroits. Certes ma grand-mère avait de l’arthrose et les doigts déformés mais quand nous les visitions dans ces jolies villes thermales où ils se rendaient en DS, je n’y percevais ni souffrances articulaires ni rictus de douleur respiratoire. Ils affichaient plutôt la bonne mine de ceux qui débarquent d’un paquebot au retour d’une croisière ventilée à la Bourboule ou Allevard-les-Bains. Une quarantaine d’années plus tard, ce sera pourtant à mon tour de faire le grand plongeon dans les thermes de Gréoux-les-Bains mais sans DS. Dix-huit jours, pas un de moins, d’ablutions soufrées, pour, au final, remonter, sans respiration sifflante, les ruelles escarpées de la troisième station thermale de France en direction du château des Templiers qui la domine. Une réussite et plutôt un bon moment tant la Provence est douce à l’ombre des montagnes.
Mais que diable, pourquoi Gréoux-les-Bains ?
C’est une question qui n’échappera à aucun profane tant le monde du thermalisme semble complexe à appréhender pour le profane. Il y a d’abord les stations spécialisées en rhumatisme, en voies respiratoires ou en dermatologie. Il faudra donc trouver sa spécialité. Ensuite, il y a les stations que la Sécurité sociale ne reconnaît pas comme Aix-les-Bains ou Digne. Leurs eaux n’apporteraient pas un bénéfice suffisant pour en justifier le remboursement. Et puis, il s’agira de trouver parmi les heureuses conventionnées, celles qui sont faciles d’accès, avec une offre de logements à prix raisonnables, un bon climat et puis au fond, une destination où l’on se sentira bien. Trois semaines, c’est long !
En réalité, il ne fut pas difficile de tourner la boussole vers cette délicieuse commune des Alpes-de-Haute-Provence. Tous les chemins menaient vers ce village facile à rallier par la route et encore plus par le rail. En un peu plus d’une heure, trois fois par jour (sauf le dimanche), le bus LR27 relie la gare de Marseille Saint-Charles à Gréoux-les-Bains en longeant l’étonnant site de Cadarache où se joue ITER, le projet de fusion nucléaire qui pourrait changer le monde à l’heure d’une crise énergétique sans précédent.
Le choix de cette station thermale se justifiait par la qualité de ses eaux puisées à 1300 mètres de profondeur depuis deux nouveaux puits creusés en 1995. Jadis, les bains se prenaient la nuit, entre 22h et 4 heures du matin afin que les eaux riches en radon et en thoron conservent leur état vivant à l’abri de la lumière. Ces baignades nocturnes donnèrent aux thermes une réputation, bien entendu totalement injustifiée, de lieu de débauche. Aujourd’hui, dans un ballet millimétré, les curistes se présentent de 7 à 16h pour recevoir leur traitement. Les enfants sont nombreux pendant les vacances avec d’excellents résultats sur des maladies comme l’asthme. Le bon air de la Provence achève le traitement de manière magistrale. Gréoux-les-Bains, c’est un peu l’histoire, au sud, des gens du Nord. On pleure deux fois, quand on arrive en mille morceaux et quand on repart avec le pas conquérant.
Gréoux-les-Bains, une ville thermale et touristique
À Gréoux et dans ses environs, l’offre hôtelière se décline à l’infinie entre chambres chez l’habitant, logements indépendants, hôtels de toutes catégories et hôtellerie de plein air. Le plus étonnant étant les résidences thermales. La plupart sont installées dans le quartier calme et verdoyant des Hautes-Plaines. Les Amandiers, l’Olivier, le Mistral sont des bâtiments où logèrent, dit-on, les ouvriers engagés, en 1967, dans la construction du barrage voisin. Ces bâtiments, dont le luxe se décline en différentes catégories, conservent le charme suranné des années 70 avec tout l’équipement moderne. Seul regret, il n’y est pas toujours facile d’y recevoir sa famille. Un peu éloignée des thermes, l’hôtellerie de plein air offre un cadre savoureux aux familles et des navettes pour les curistes. Le Verdon Parc qui peut accueillir jusqu’à 2000 personnes en pleine saison est aussi l’une des meilleures tables de la région mais c’est un secret. Le camping « à papa » avec la paëlla desséchée et les frites grasses, c’est fini ! Sans arrogance de classe, Alexis, ancien cuisinier étoilé de la Tour Rose à Lyon, propose, par exemple, un Saint-Pierre avec une sauce aux herbes qui nécessitera peut-être de s’infliger une bonne gifle pour être certain de ne pas rêver. En matière hôtelière, l’ouverture de la Villa Castellane Hôtel & Spa est l’un des évènements de l’année post-Covid 2022. Cet établissement quatre étoiles aux lignes épurées, logé face aux thermes, démontre, s’il le fallait, que le thermalisme reste plein d’avenir.
Affaires de bouche, d’artisans et de lieux gourmands
On se demande comment une aussi petite commune peut produire autant de réjouissances gustatives. Dans une liste non exhaustive, il ne faudra pas passer à côté d’une bouteille de Rousset, en rouge (8,5 euros), un vigneron local de haut vol. Le couscous du jeudi à la Terrasse des Marronniers (1 avenue des Marronniers) ne pourra être partagé, à l’ombre des platanes, que sur réservation et à l’avance. Les pizzas de Gigi (à partir de 9 euros) dans la rue piétonne (rue Grande) croustillent dans les esprits plusieurs jours après les avoir consommés. Un peu plus haut, toujours rue Grande, depuis 5 générations, la maison Durandeu donne, au quotidien, sa leçon de Calisson aux gens de passage. Les mieux informés se rendront, par un long couloir, dans le salon de thé qui occupe l’arrière de la boutique pour y boire des thés précieux et se réjouir de plaisirs régressifs comme ce pain perdu vendu au poids.
Juste à côté, la boucherie Platel est une institution de la commune où la file d’attente des dimanches matin rappelle la sortie au cinéma des grands blockbusters américains. Les saucisses, les merguez, les andouilles mais aussi le bœuf persillé et les volailles fermières qui bronzent sous les UV de la rôtisseuse, à l’extérieur, s’arrachent comme un jour de soldes. La qualité et la variété des glaces du Gelato (6 place de l’Hôtel de Ville) sont au niveau de son emplacement, au sommet, à côté de l’église et face à l’Office du Tourisme. Guy, le patron, originaire d’Aix-en-Provence, sort parfois sa guitare pour faire fondre les cœurs plus que les sorbets sur sa terrasse ensoleillée et balayée du bon air de Provence, loin des moteurs à énergies fossiles interdits de séjour dans les rues piétonnes. Mais pour le lecteur qui sera parvenu à la fin de cet article, pour qu’il soit récompensé de sa lecture courageuse, le conseil ultime, l’étape à ne pas manquer, le tuyau des tuyaux sera le suivant : un séjour à Gréoux-les-Bains, dès lors qu’il se déroule en deuxième partie de semaine ne devra jamais s’exclure d’une visite du marché provençal du jeudi matin où se disputent les miels de garrigue, des bouquets d’ail rose en saison, des pâtisseries locales, des fromages artisanaux aux parfums puissants et complexes (lorsque les chèvres n’ont pas été croquées par les loups comme nous le racontait un producteur inquiet), des herbes médicinales et des poissons de roche si loin de la mer et pourtant si frais. Le grand marché provençal de Gréoux-les-Bains, c’est tous les jeudis de 8 à 12h, sur le parking des Marronniers, juste avant le centre-ville en venant du lac d’Esparron.
À bon entendeur, adessias !!
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