Jeanne Herry ou l’action par les mots dans ‘Je verrai toujours vos visages’

Dans son film, «Je verrai toujours vos visages », en partie tourné à Aix-en-Provence, Jeanne Herry explore le lien humain et le pouvoir réparateur de la parole dans le cadre de la justice restaurative, une approche alternative de la justice, encore méconnue en France bien qu’intégrée dans le code de procédure pénale depuis 2014 - Tiphaine Beausseron

À l’affiche de ce film choral : Gilles Lellouche, Miou-Miou, Adèle Exarchopoulos, Leïla Bekthi, Jean-Pierre Darroussin ou encore Denis Podalydès. Ils interprètent soit des victimes d’agression - vols à l'arraché, home-jacking, vols avec violence, viol incestueux -  soit des agresseurs, soit des professionnels intervenant dans le cadre de la justice restaurative. Pratique complémentaire au traitement pénal de l’infraction,  la justice restaurative offre à des personnes ayant été victimes d’agression et à ceux qui les ont commises la possibilité de se rencontrer, de se parler et de se réparer. Face-à-face, des victimes et des auteurs d’infraction vont pouvoir échanger leurs ressentis, leurs émotions et tisser un nouveau rapport où l’empathie peut parfois prendre le pas sur la peur.

Quoique très documenté et instructif sur cette pratique encore peu connue en France, le film de Jeanne Herry, ne veut pas être un documentaire. À travers l’histoire de plusieurs personnages et de leur accompagnement - très encadré - par des professionnels spécialement formés à la médiation ou aux cercles de guérison, le film révèle surtout le pouvoir de la parole et de la libération par les émotions. «Lorsque j’ai commencé à m’intéresser aux cercles de rencontres détenus-victimes, j’ai vraiment cherché à comprendre pourquoi cette préparation des uns et des autres, puis ces quinze heures de rencontres, à raison de trois par semaine, pouvaient aboutir au fait qu’à la fin, les participants se prennent dans les bras», explique la réalisatrice très attachée à l’étude du lien humain.

Elodie Bouchez et Jeanne Herry

Elodie Bouchez et Jeanne Herry à l’occasion de la présentation presse du film à l’Hôtel du Pigonnet en partenariat avec les Cinémas Aixois.

Un peu comme dans Pupille, son précédent long métrage sorti en 2018, on suit de près les professionnels et leur environnement de travail ainsi que les bénéficiaires de ce service public, et on observe le bénéfice silencieux, mais certain que la rencontre, l’échange et la discussion - quand ils sont préparés et sécurisés - peuvent avoir dans des situations de détresse psychologique.

La réalisatrice filme très souvent en plan serré ce qui renforce le sentiment de dissection de la psychologie des personnages et leur complexité bien que leur guérison soit rendue possible grâce au collectif. Intense, mais pas violent, «Je verrai toujours vos visages » devrait marquer le spectateur en ce qu’il sublime le lien humain, le temps long, les silences et les regards, autant que les mots et leur impact.


Découvrez le podcast du film : “Je verrai toujours vos visages, trois mois sur le tournage du film”

Pour la première fois, une journaliste, Virginie Vivès, a assisté au tournage d’un film au casting 5 étoiles. Comment ça se fabrique, un film ? Comment les liens se tissent entre les acteurs, mais aussi les techniciens, artisans, producteurs.. ? Leur stress des premiers jours, le travail, les fous rires, les doutes, les tensions... Vous assisterez à tout jusqu’au dernier clap !

Un podcast inédit en 5 épisodes à retrouver à partir du 16 mars sur toutes les plateformes de podcast.


Le saviez-vous ?

La justice restaurative est une approche alternative de la justice qui vise à résoudre les conflits et les préjudices causés par un crime ou un délit. Elle met l'accent sur la guérison et la réparation des dommages causés aux victimes, aux communautés et aux auteurs d'infractions.

Contrairement à la justice répressive traditionnelle, qui se concentre sur la punition des auteurs d'infractions, la justice restaurative cherche à identifier les causes profondes du conflit et à aider toutes les parties concernées à trouver des moyens de réparer les dommages causés.

La justice restaurative peut prendre différentes formes, telles que la médiation entre les parties, les cercles de guérison, les conférences de groupe et les programmes de réparation des victimes. Elle est souvent utilisée dans les cas de crimes non violents, tels que les vols, les actes de vandalisme et les infractions liées à la drogue.

L'objectif ultime de la justice restaurative est de favoriser la réconciliation et la guérison, tout en offrant une meilleure protection aux victimes et à la communauté dans son ensemble.

Une directive européenne oblige les pays de la communauté à intégrer la justice restaurative dans le droit de chaque pays dès novembre 2015. Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux, a devancé l’échéance en permettant à la justice restaurative d’entrer dans le code de procédure pénale dès août 2014 dans le cadre de la réforme pénale.

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